Égoïste, infime, troisième ouvrage de Peter Sotos traduit en français, offre une nouvelle plongée dans l’aliénation sexuelle. Dans ce livre, son texte le plus autobiographique à ce jour, Peter Sotos mêle souvenirs et fantasmes, le flux de conscience de l’auteur/narrateur décrivant ses excès sexuels dans les bars gay, son obsession pour des photos qu’il collectionne, sa fascination pour la dégradation, la violence… La narration discursive produit une sorte de palimpseste alternant récit, retranscriptions d’émissions télévisées, méta- discours, fausses et vraies interviews, échappées philosophiques, essais critiques. La figure de Lesley Ann Downey, jeune victime des tueurs de la Lande dans l’Angleterre des années 1960, hante le livre, le texte tournant autour d’elle à la manière d’une spirale centrifuge. Sotos continue de chercher à débusquer « la vérité » quand d’autres détournent le regard, et démasque la pornographie larvée dans les lamentations publiques des familles endeuillées, ou dans la couverture médiatique de crimes sexuels sensationnels.
La simplicité de l’écriture, proche de l’oralité, la spontanéité de la libre association d’idées confèrent au récit une troublante sincérité qui l’impose comme l’œuvre la plus poignante écrite à ce jour par Sotos.
Comme Sade, Sotos fonde le vaste projet, dont il fait sa mission personnelle, de corriger nos préjugés. Et cette entreprise comporte de formidables risques, pas seulement vis-à-vis de la société, mais vis-à-vis de Sotos lui-même, faisant de celui-ci une sorte de messie contemporain.
Bruce Benderson