Numbers (1967), inédit jusqu’à ce jour en France, est le deuxième roman de John Rechy. Considéré, au même titre que Cité de la nuit, comme l’un de ses chefs-d’œuvre, il rencontra un considérable succès lors de sa publication aux États-Unis et fut largement traduit à l’étranger.
Johnny Rio, ex-prostitué, rentre à Los Angeles après trois ans d’un exil choisi à Laredo, Texas, ville de son enfance. Au contact de la métropole, il est assailli par les souvenirs de sa vie passée et submergé par un désir de conquête qu’il était parvenu à brider. Au gré des cinémas, des plages, des parcs de la cité des anges, porté par la musique rock en fond sonore, Johnny Rio, poussé par une force irrépressible, une compulsion de séduction, multiplie les rencontres et les étreintes anonymes.
Dorian Gray des temps modernes, Johnny Rio est mu par un narcissisme exacerbé et ne supporte nulle concurrence sur le vaste marché du sexe où il rôde constamment, aspirant à être l’unique objet de désir de chaque homme croisé. Rongé par la culpabilité et peu à peu envahi par une angoisse insidieuse que seul parvient à dissiper, l’espace d’un instant, un contact fugitif, Johnny met en place un jeu aux règles fluctuantes : pour reprendre le dessus sur le « Parc » et sur ses propres pulsions, il lui faut séduire trente hommes, et donc autant de « numéros », en dix jours.
Préfigurant le Démon de Hubert Selby Jr, Numbers offre l’examen systématique d’une obsession dévorante (frisant parfois le comique), mais livre aussi le témoignage précieux d’une topographie du désir dans le Los Angeles des années 60, terrain de jeu subversif d’une sexualité
clandestine et désormais mythique. L’attention portée à l’environnement, à la végétation, à la lumière et aux symboles, confère au texte un caractère quasi élégiaque dont se dégage une nostalgie entêtante.
Numbers offre au lecteur une réflexion universelle sur le passage du temps et la hantise de la mort, servie par une langue contemporaine, abrupte et crue, aux envolées poétiques saisissantes.
Comme Le Démon de Selby Jr, Numbers est un roman universel entre les lignes duquel résonne de façon poignante cette citation tirée de L’Enfer de Dante : « Nous sommes perdus, car sans espoir, nous vivons en désir. »
Jean-Baptiste Del Amo
John Rechy est une figure héroïque de la vie contemporaine américaine… un modèle d’intégrité morale et d’inventivité artistique. C’est un formidable apôtre du désir… De par son style sans cesse inventif, il est résolument moderne.
Edmund White
John Rechy fait preuve d’un grand talent comique et tragique. Il est véritablement un romancier surdoué.
Christopher Isherwood
John Rechy est, dans ce pays, l’auteur le plus important sur la vie homosexuelle en Amérique.
New York Times