Au bord du gouffre est un livre de référence de la littérature gay et la contre-culture nord-américaine, un grand livre sur le sida, mais c’est avant tout un texte littéraire éblouissant, un cri poussé par un écrivain virtuose, romantique, un écorché vif violenté par la vie qui raconte son existence et son époque. Nous sommes dans le New York bohème des années 80 et sa faune interlope (squatters, prostitués, junkies, travestis…), le New York de Lou Reed et d’Hubert Selby Jr. Mêlant différents matériaux textuels, Wojnarowicz parle de son horreur de l’aliénation, sa quête permanente de liberté, ses rencontres sexuelles furtives et anonymes. La mort s’insinue peu à peu dans le texte, l’auteur affrontant la disparition de ses amis et sa destruction annoncée. Wojnarowicz se révolte contre la société américaine, son homophobie et ses conservatismes avec une rage désespérée. Vingt ans plus tard, nous revisitons les premières années de l’épidémie avec effroi et émotion.
Au bord du gouffre présente le témoignage d’un idéaliste, un révolté, un poète visionnaire. Comme les livres de Genet ou Burroughs, Au bord du gouffre est un texte d’une écriture magnifique qui fait déjà partie de notre patrimoine littéraire.
Au bord du gouffre est l’un des livres les plus extraordinaires de ces dernières années, voire plus. De par son style férocement poétique, la vie grandiose et dévastatrice qu’il décrit, son intelligence farouche, Au bord du gouffre est un livre essentiel.
Dennis Cooper